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« Quel avenir pour les nouvelles sûretés sur créances du droit de l’OHADA (cession de créance à titre de garantie et nantissement de créance) ? »

Tirant les leçons du déclin de l’ancien gage de créances, lequel n’a pas eu de succès auprès  des bailleurs de fonds, le législateur de l’OHADA a abrogé cette dernière sûreté à l’occasion  de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés – AUS -, laquelle a donné  lieu à un nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010 et entré en vigueur le 16 mai 2011, en  consacrant de nouvelles sûretés sur créances, à savoir la cession de créance à titre de garantie  et le nantissement de créance, respectivement réglementés aux articles 80 et suivants et 127 et  suivants du nouvel AUS.  

L’occasion nous est donnée de nous interroger sur l’avenir de ces nouvelles sûretés sur  créances du droit de l’OHADA que sont la cession de créance à titre de garantie et le  nantissement de créance, afin de savoir si elles ont une chance de succès important auprès des  bailleurs de fonds et des entreprises titulaires de créances à terme, l’enjeu étant de favoriser  les investissements dans l’espace OHADA au moyen de sûretés attractives. 

Etant des sûretés d’une constitution simplifiée, afin d’éviter d’alourdir le coût du crédit, aux  champs d’applications élargis à tout de type de créances (créances présentes ou futures,  conditionnelles ou non, etc.) pour garantir toutes sortes d’obligations, et aux effets énergiques  grâce au droit exclusif qu’elles confèrent, il est permis d’affirmer que ces nouvelles sûretés  sur créances du droit de l’OHADA renferment en elles tous les « ingrédients » d’une sûreté  d’une effectivité importante en pratique.



1. Les créances représentent aujourd’hui une valeur pécuniaire importante au sein des  patrimoines des entreprises et même des particuliers1. On songe notamment aux nombreuses  entreprises qui, en Afrique, dans le cadre des marchés publics, doivent réaliser des prestations  pour le compte de l’Etat ou des collectivités territoriales2. Or, il est évident que ces créances  dues à ces entreprises ne sont pas payées au comptant, ou à l’avance par leurs débiteurs. Leur  règlement s’inscrit dans le respect des échéances préalablement fixées entre les parties au  contrat. En attendant le règlement de ces créances, ces entreprises doivent pourtant faire face  à leur besoin quotidien de trésorerie, soit notamment pour payer leurs fournisseurs, soit encore  pour régler leurs dettes salariales. Pour ce faire, elles sollicitent alors leurs banques. Mais,  celles-ci subordonnent l’octroi de leurs crédits à la fourniture à leur profit des garanties  suffisantes permettant de couvrir les risques bancaires qu’elles prennent. Se pose alors la  question des sûretés que ces entreprises peuvent offrir à leurs banques pour obtenir les crédits  de trésorerie dont elles ont besoin, en attendant le règlement des créances qu’elles ont  acquises dans le cadre de l’exécution des marchés publics ou privés.  

2. Replacée dans le contexte africain, la question fondamentale qui se pose alors est celle de  savoir si le législateur de l’OHADA3- Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit  des Affaires - a suffisamment exploité la situation de ces entreprises titulaires de créances à  terme acquises soit dans le cadre des marchés publics, soit dans le cadre des marchés privés,  pour leur permettre d’assurer le financement dont elles ont besoin. Leur a-t-il donné les  sûretés nécessaires leur permettant d’obtenir auprès de leurs banques les crédits dont elles ont  besoin ? En d’autres termes, les créances dont elles sont titulaires ont-elles été mises à profit  par le législateur africain pour leur permettre de financer leurs besoins en trésorerie ? 


  

1Pour une étude d’ensemble sur les sûretés sur créances, v. D. LEGEAIS, Les garanties conventionnelles sur  créances, Economica, 1986. 

2Il a été relevé que dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique, 78% des actifs des  entreprises sont constitués de biens meubles corporels ou incorporels tels que matériel/outillage, équipements et  créances, et uniquement 22% par des immeubles, v. à cet égard : P. CROCQ (sous dir.), Le nouvel acte uniforme  portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Lamy, 2012, n° 12, p. 28. 

3Pour rappel, l’OHADA – Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires – a été créée le  17 octobre 1993 par le Traité de Port-Louis (Ile Maurice). Sécrétant un droit dérivé uniformisé constitué pour la  plupart d’actes uniformes applicables à l’identique sur l’ensemble des territoires des Etats parties, l’OHADA  comprend à ce jour 17 Etats membres. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, des Iles Comores, du  Congo, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, de la Guinée Equatoriale, du Mali, du  Niger, de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo – RDC, du Sénégal, du Tchad  et du Togo. Sur l’historique de l’OHADA, v. par exemple M. KIRSCH, « Historique de l’Organisation pour  l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) », Penant mai à août 1998, n° 1998, p. 129 s.

 

3. Le premier acte uniforme portant organisation des sûretés – AUS – adopté le 17 avril 1997  n’a pas produit les résultats escomptés. En effet, celui-ci connaissait une seule sûreté sur  créance, à savoir l’ancien gage de créances4. Mais, cette dernière sûreté n’a pas connu de  succès auprès des praticiens et des opérateurs économiques. Son échec s’explique par son  régime juridique très peu attractif. Celui-ci était en effet calqué sur le régime de l’ancien gage  des meubles corporels, lequel était nécessairement un contrat réel5. Or, ce caractère réel du  gage s’accommodait mal aux sûretés sur créances. D’une part, les créances, qui sont par  nature des choses incorporelles, sont insusceptibles d’une remise physique comme c’est le cas  en matière de choses mobilières corporelles. Pour respecter le caractère réel du gage, le  législateur a dû s’adapter en exigeant la remise, en lieu et place des créances objet du gage,  d’un titre de créance et la signification de l’opération au débiteur transféré6. Cependant, cette  formalité avait pour inconvénient de renchérir le coût du crédit, puisqu’il fallait acquitter les  frais y afférents. D’autre part, en raison du même caractère réel, il était très difficile de faire  rentrer dans le champ d’application de l’ancien gage de créances, les créances futures, puisque  celles-ci n’existent pas encore au jour de la constitution de la sûreté, leur naissance  n’intervenant que plus tard. En outre, l’ancien gage de créances ne produisait pas des effets  comparables à ceux d’un gage d’un meuble corporel avec dépossession7.  

4. Prenant acte de l’échec de l’ancien gage de créances, le législateur de l’OHADA a alors  abrogé cette dernière sûreté à l’occasion de la réforme de l’AUS, laquelle a donné lieu à un  

  

4Sur cette sûreté en droit de l’OHADA, v. notamment, J. I- SAYEGH, « Le gage sur créances de sommes  d’argent », Penant, n° 840, juill.-sept. 2002, p. 285 s. ; du même auteur « La mise en gage des comptes  bancaires », Penant, n° 852, juill.-sept. 2005, p. 277 s. ; A. MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du  crédit dans l’espace OHADA, t. 2, Les garanties réelles, Diffusion PUF Dianoïa, 2010, n° 605, p. 103. 

5 L’ancien gage de créances était en effet réglementé par une section intitulée « Des modalités particulières du  gage » du chapitre relatif au gage des meubles corporels. L’ancien gage de créances était donc traité comme une  variante du gage des meubles corporels, v. à ce propos les articles 50 et suivants de l’ancien AUS de 1997. En ce  qui concerne le caractère réel du gage, v. à cet égard, l’article 44 de l’ancien AUS qui disposait que : « Le gage  est le contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les parties pour  garantir le paiement d’une dette ».  

6 L’article 50, 1° de l’ancien AUS disposait que : « Le débiteur qui met en gage sa créance contre un tiers  dénommé doit remettre au créancier gagiste son titre de créance et signifier à son propre débiteur le transfert de  sa créance à titre pignoratif ; à défaut, le créancier gagiste peut procéder à cette signification ».  

7 V. par exemple, l’article 54 de l’ancien AUS qui disposait que : « Le créancier gagiste retient ou fait retenir la  chose gagée par le tiers convenu jusqu’à paiement intégral, en principal, intérêts et frais, de la dette pour  laquelle le gage a été constitué ». En revanche, pour le gage de créances, il était prévu une disposition spécifique  en l’occurrence l’article 56 2° de l’ancien AUS lequel n’évoquait pas la question de la rétention de la créance  objet du gage ; v. par exemple en droit français, l’article L. 622-7 alinéa 2, du C. com. qui dispose que le  jugement ouvrant la procédure de sauvegarde emporte également « de plein droit inopposabilité du droit de  rétention conféré par le 4° de l’article 2286 du Code civil pendant la période d’observation et l’exécution du  plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d’activité décidée en application de l’article L.  626-1 ». 



nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010 et entré en vigueur le 16 mai 2011. Désormais, ce  sont des nouvelles sûretés sur créances, plus modernes, bâties sur un régime autonome et  distinct de celui du gage des meubles corporels, pour répondre aux besoins en financement  des entreprises titulaires de créances à terme, qui sont prévues dans le nouvel AUS. Il s’agit  de la cession de créance à titre de garantie et du nantissement de créance8, respectivement  réglementés aux articles 80 et suivants et 127 et suivants du nouvel AUS.  

5. Ces nouvelles sûretés sur créances assorties d’une constitution simplifiée, d’un champ d’application élargi à tout type de créance (I), et d’effets renforcés, le tout avec une réalisation  aisée (II), sont à même de répondre aux besoins en financement des entreprises titulaires de créances à terme.  


  

8 Le nantissement de compte bancaire, prévu aux articles 136 et suivants du nouvel AUS, ne sera pas abordé ici,  puisqu’il est présenté comme une modalité du nantissement de créance. V. à cet égard, l’article 136 du nouvel  AUS aux termes duquel : « Le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance. Les règles qui  régissent celui-ci sont applicables, sous réserve des dispositions de la présente section ». 



I/ Des sûretés sur créances aux conditions souples 

6. Suivant les recommandations de la CNUDCI – Commission des Nations-Unies pour le  droit commercial international – sur les opérations garanties9, et celles issues du diagnostic de  l’AUS de 199710, lesquelles préconisaient l’adoption de sûretés, non seulement, à la  constitution simplifiée, afin de ne pas alourdir le coût du crédit, mais pouvant en outre grever  tout type de biens et garantir toutes sortes d’obligations, le nouveau législateur de l’OHADA  s’est résolument inscrit dans un vaste mouvement de modernisation de ces nouvelles sûretés,  afin de faire de celles-ci un vecteur des investissements dans son espace.  

7. Avec le nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010, ces recommandations sont satisfaites. En  effet, tant en ce qui concerne la cession de créance à titre de garantie que le nantissement de  créance, la constitution est simplifiée (A) et le champ d’application est élargi à tout type de  créance (B).  

A/ Une constitution simplifiée 

8. Il résulte de l’examen des régimes juridiques de la cession de créance à titre de garantie et  du nantissement de créance que deux conditions sont exigées pour leur constitution. La  première, prévue, respectivement pour la cession de créance et pour le nantissement de  créance, par les articles 81 et 127 du nouvel AUS, subordonne la validité de ces sûretés à la  rédaction d’un écrit. La seconde, qui, elle, est relative à l’opposabilité aux tiers de ces sûretés,  et qui nécessite donc leur inscription au RCCM – Registre du commerce et du crédit mobilier  –, est prévue pour la cession de créance par l’article 82 du nouvel AUS et pour le  nantissement de créance par l’article 131 dudit acte uniforme. 

9. Si la première condition peut être vue comme un allégement des formalités de constitution  des sûretés de l’OHADA, par rapport à celles qui étaient exigées dans les anciennes sûretés  (1), des interrogations peuvent cependant se poser pour la seconde formalité (2).  

1/ La rédaction d’un écrit : une formalité allégée 

10. La validité du nantissement de créance et de la cession de créance à titre de garantie est  subordonnée à la rédaction d’un écrit. Une telle condition, pour la cession de créance, résulte  

  

9 V. Le Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties. 

10 Sur ces recommandations, v. P. CROCQ (sous dir.), op. cit., n° 4 s., p. 20 s.



des dispositions de l’article 81 du nouvel AUS aux termes duquel : « La cession de créance à  titre de garantie doit être constatée dans un écrit comportant, à peine de nullité, les  énonciations suivantes : 1°) le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ;  2°) la date de la cession ; 3°) et la désignation des créances garanties et des créances cédées.  Si ces créances sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des  éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant  des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance ». Une disposition similaire est  reproduite, pour le nantissement de créance, à l’article 127 du nouvel AUS selon lequel : « A  peine de nullité, le nantissement de créance doit être constaté dans un écrit contenant la  désignation des créances garanties et des créances nanties ou, si elles sont futures, les  éléments de nature à permettre leur individualisation, tels que l’indication du débiteur, le lieu  de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et leur échéance ». Il en résulte que  la cession de créance et le nantissement de créance sont devenus des contrats solennels.  

11. Si à première vue une telle solennité peut être vue comme une formalité lourde en ce  qu’elle implique l’acquittement des frais du professionnel rédacteur de l’acte, il convient  toutefois de relativiser des tels propos pour les raisons suivantes. Tout d’abord, au regard de  l’ancien gage de créances et de la cession-escompte d’effets de commerce, l’exigence de la  rédaction d’un écrit est une formalité moins lourde que celles qui étaient requises dans ces  garanties traditionnelles. En effet, dans l’ancien gage de créances, il était nécessaire, pour la  constitution du gage, outre la remise d’un titre de créance, la signification de l’opération au  débiteur transféré11. Ces deux dernières formalités ayant été abolies dans la cession de créance  et dans le nantissement de créance, on soulignera donc au passage l’allégement qui a été  réalisé.  

Par rapport à la cession-escompte d’effets de commerce, il convient de rappeler que celle-ci  est décriée pour sa formalité lourde, laquelle nécessite la constitution d’autant d’effets papiers  qu’il y a de créances à céder. En d’autres termes, il est impossible, dans la cession-escompte  d’effets de commerce, de céder en bloc une multitude de créances par la rédaction d’un seul  effet papier (le bordereau) pour la mobilisation de celles-ci. Pourtant, les établissements de  crédit doivent escompter au quotidien des milliers de créances. Ce qui a donc pour  

  

11 V. En ce sens, l’article 50 de l’ancien AUS préc



inconvénient de renchérir le coût de la cession-escompte12. Or, désormais, avec la cession de  créance et le nantissement de créance, un seul bordereau, c'est-à-dire la rédaction d’un seul  écrit, suffit à mobiliser en bloc des milliers de créances, puisqu’à la lecture des textes précités,  il est même possible de mobiliser des créances futures. Ce qui constitue donc un allégement  remarquable par rapport aux instruments traditionnels de mobilisation des créances.  

En second lieu, la formalité prescrite par les textes précités est simple à réaliser en pratique. Il  suffit en effet pour le rédacteur de se reporter aux textes qui prévoient ces mentions et de s’y  conformer lors de la rédaction, pour écarter la crainte d’une éventuelle remise en cause de  l’efficacité de ces deux nouvelles sûretés13.  

Enfin, Il convient de rappeler que ces mentions, quoiqu’elles puissent paraître lourdes, sont en  tout état de cause utiles tant pour le débiteur que pour les tiers, parce qu’elles s’inscrivent  dans le respect de l’application du principe de spécialité des sûretés réelles, lequel exige que  les biens grevés de sûretés et les créances garanties soient déterminés ou déterminables. Ainsi,  pour le débiteur, le respect de ces mentions lui évite tout gaspillage de son crédit par la  délimitation de l’assiette du bien qu’il donne en garantie. Pour les tiers, les biens du débiteur  non compris dans l’assiette de la sûreté constituée leur sont disponibles soit pour les saisir,  soit encore pour en tirer une nouvelle garantie.  

12. Il s’ensuit que la solennité de la cession de créance et du nantissement de créance est une  formalité simplifiée. La question de l’opposabilité aux tiers de ces dernières sûretés reste  toutefois discutée. 

2/ L’inscription au RCCM : une formalité décriée, mais utile 

13. Suivant les recommandations de la CNUDCI sur les opérations garanties, le législateur de  l’OHADA a subordonné l’opposabilité aux tiers des sûretés mobilières du nouvel AUS à  l’accomplissement d’une formalité de publicité, laquelle s’effectue auprès du RCCM    

12 Sur une telle critique, v. par exemple, Th. BONNEAU, Droit bancaire, LGDJ, 12e éd., 2017, n° 754, p. 565,  qui écrit que la cession-escompte « présente cependant un inconvénient important : son coût qui est élevé en  raison de la manipulation du papier qu’elle implique. En effet, l’escompte impose une mobilisation des créances  au coup par coup sans qu’il soit possible des les incorporer dans un même titre. L’escompte entraîne ainsi un  coût de traitement important pour les banques, coût qui est reporté sur les crédits s’appuyant sur l’opération  d’escompte ». . 

13 Par exemple pour la cession de créance à titre de garantie, les mentions obligatoires devant figurer sur le  bordereau de cession sont, conformément à l’article 81 du nouvel AUS, les énonciations suivantes : l’indication  du nom ou de la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ; la date de la cession ; et la désignation des  créances garanties et des créances cédées. 

 

compétent. C’est ainsi que la cession de créance à titre de garantie est, en vertu de l’article 82  du nouvel AUS, soumise, pour son opposabilité aux tiers, à son inscription au RCCM. La  même exigence est prévue, pour le nantissement de créance, à l’article 131 dudit acte  uniforme. Mais des auteurs, et non des moindres, voient d’un mauvais œil cette formalité  applicable en matière de sûretés sur créances. L’une des raisons invoquées, c’est que cette  formalité ne serait concevable que si le RCCM était totalement informatisé, ce qui n’est pas  encore le cas aux jours d’aujourd’hui14.  

14. S’il est vrai que cette critique peut être reçue en ce qu’en l’absence d’une informatisation  du RCCM, il serait très difficile en pratique pour les acteurs économiques de connaître assez  rapidement l’état des créances dont ils envisagent une cession par exemple, il convient  toutefois de ne pas occulter l’utilité de la formalité d’inscription des sûretés mobilières sans  dépossession du droit de l’OHADA. En effet, contrairement à la cession Dailly du droit  français15« gangrénée » par des conflits incessants entre cessionnaires et d’autres créanciers  de la même créance cédée, dont la conséquence négative est l’amenuisement de l’efficacité de  la cession Dailly16, la cession de créance à titre de garantie du droit de l’OHADA, tout comme  le nantissement de créance, présente au demeurant l’avantage de la sécurité de l’opération,  pour la simple raison que la formalité d’inscription de la sûreté permet à tout intéressé de  s’informer sur l’état réel des créances dont la cession est envisagée.  

15. Il en résulte que la formalité d’inscription des sûretés mobilières sans dépossession,  quoique décriée, est utile en ce qu’elle réduit les risques d’inefficacité des nouvelles sûretés  sur créances par l’élimination, au moyen de leur inscription, des éventuels conflits entre  plusieurs créanciers. Le champ d’application de ces nouvelles sûretés a en revanche un autre  objectif : adapter les sûretés à leurs usagers.  

B/ Un champ d’application élargi 

  

14 P. CROCQ (sous dir.), op. cit., n° 245, p. 189.  

15 Il convient de rappeler que l’une des caractéristiques principales de la cession Dailly est son opposabilité  immédiate aux tiers, et ce dès la remise du bordereau. Il existe en fait une concomitance entre la validité et  l’opposabilité de la cession Dailly, puisque la rédaction et la remise au cessionnaire du bordereau réalisent à la  fois ces deux rôles.  

16 Pour une étude approfondie sur les inconvénients de l’opacité de l’opposabilité de la cession Dailly du droit  français, v. notre thèse, Les propriétés-sûretés en droit de l’OHADA et en droit français : étude de droit  comparé, Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, 2017, n°s. 385, p. 303 s.



16. L’une des recommandations résultant du diagnostic de l’ancien AUS était de permettre la  constitution des sûretés réelles mobilières pouvant grever tout type de biens et garantir toutes  sortes d’obligations. Le nouvel AUS a entériné une telle recommandation. En effet, depuis la  réforme de l’AUS en date du 15 décembre 2010, le constat général qui se dégage est que  l’assiette des sûretés réelles mobilières a été élargie à tout type de biens, ainsi qu’à leurs  différents produits. Les nouvelles sûretés sur créances de l’OHADA issues de cette réforme,  que sont la cession de créance à titre de garantie et le nantissement de créance, ne dérogent  pas à ce constat. Pour s’en rendre compte d’une manière convaincante, il suffit d’analyser leur champ d’application rationae materiae (1) et personae (2).  

1/ Le champ d’application rationae materiae 

17. Dans l’objectif de permettre aux opérateurs économiques de mieux tirer profit de leurs  créances à terme, l’assiette de la cession de créance à titre de garantie a été étendue à tout type  de créances, pour également couvrir toutes sortes d’obligations. Cet élargissement du champ  d’application rationae materiae de la cession de créance à titre de garantie a été rendu  possible par l’article 80 du nouvel AUS aux termes duquel : « Une créance détenue sur un  tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par une personne morale  nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des  opérations de banque ou de crédit.  

L’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par le débiteur cédé  lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison de l’exercice de  la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités  professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ». 

Les expressions « Une créance » et « Tout crédit » montrent que toutes sortes de créances  (créances présentes ou futures, conditionnelles ou non, délictuelles ou contractuelles, créances  issues d’un marché public ou non, et même des créances fiscales17, etc.) peuvent être cédées  en garantie de tout type de crédit. L’alinéa second du texte précité montre que même des  créances stipulées incessibles peuvent être données en garantie d’un crédit bancaire, pourvu  


  

17 Pour un exemple de créance résultant du report en arrière des déficits, ou un crédit d’impôt en faveur de la  recherche, v. : CAA Paris, 11 juin 1998, Banque 1999, n° 599, p. 80 s., obs. J.-L. GUILLOT.


 

qu’elles naissent d’une activité de la profession du débiteur cédé, même si celle-ci n’est pas  principale18.  

18. Un constat similaire se retrouve dans le nantissement de créance. Là également, il est en  effet possible de nantir tout type de créance19 pour garantir toutes sortes de crédit, l’article  125 du nouvel AUS ayant défini le nantissement comme « l’affectation d’un bien meuble  incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie  d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient  déterminées ou déterminables ».  

19. La modernisation des nouvelles sûretés sur créances du droit de l’OHADA se manifeste  également par l’élargissement de leur champ d’application rationae personae.  

2/ Le champ d’application rationae personae 

20. Comparativement à la cession Dailly du droit français, il y a lieu de montrer les apports de  la nouvelle cession de créance à titre de garantie du droit de l’OHADA. D’une part, en droit  français, il est nécessaire, lorsque le cédant et le débiteur cédé sont des personnes physiques,  que ceux-ci agissent dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle, pour que  l’opération de cession Dailly puisse être valide20. Or, en droit de l’OHADA, un tel caractère  professionnel de la cession de créance à titre de garantie n’existe pas, même en présence d’un  cédant et d’un débiteur cédé personnes physiques, l’article 80 du nouvel AUS précité n’ayant  pas posé une telle condition.  

D’autre part, si en droit français comme en droit de l’OHADA, la cession de créance est  traitée comme une opération de crédit, réservée donc aux établissements de crédit et à ceux  assimilés, puisque le cessionnaire doit avoir la qualité d’établissement de crédit ou assimilé, il  convient toutefois de préciser que la notion d’établissement de crédit est entendue plus  souplement en droit de l’OHADA qu’en droit français. En effet, en droit français,  l’établissement de crédit cessionnaire, au sens de l’article L. 313-23 du CMF, doit être une  personne morale nationale ou possédant la nationalité d’un pays membre de l’UE – Union  

  

18 Il convient toutefois de rappeler qu’il est interdit au cédant de céder ou de nantir en garantie de ses crédits  bancaires des créances issues des travaux confiés à un sous-traitant, sauf à fournir une caution bancaire solidaire.  

19 Il est également possible de nantir des créances présentes ou futures, conditionnelles ou non, de toute nature  (contractuelle, délictuelle, civile ou encore commerciale), ou encore un ensemble de créances.  

20 V. en ce sens, l’article L. 313-23 du CMF.

 

Européenne – ou de l’espace économique européen. Ce qui veut donc dire qu’un  établissement de crédit d’une autre nationalité ne peut avoir la qualité de banque au sens du  droit français21. Or, en droit de l’OHADA, le cessionnaire peut être un établissement de crédit  de toute nationalité sans distinction aucune, plus précisément d’une nationalité autre que celle  des pays membres de l’OHADA. Il en résulte que la notion d’établissement de crédit est  entendue plus souplement en droit de l’OHADA qu’en droit français. Ce qui constitue donc un gage de succès important de la cession de créance à titre de garantie du droit de l’OHADA  auprès des opérateurs économiques, tant il est vrai que nombreux sont les financements  assurés, dans le continent africain, par des banques de nationalités étrangères, notamment  dans les syndications bancaires22.  

21. Quant au nantissement de créance, son espoir d’effectivité23 peut encore être plus  important que celui envisagé dans le cas de la cession de créance à titre de garantie24. En effet,  le nantissement de créance est traité comme la sûreté sur créance de droit commun, dans la  mesure où son champ d’application est étendu même aux créanciers nantis dépourvus de la  qualité d’établissement de crédit. Mieux, le nantissement de créance est applicable même en  présence des simples particuliers n’exerçant aucune activité économique professionnelle. 

En outre, le nantissement de créance peut être un concurrent sérieux de la cession de créance à  titre de garantie, si l’on tient compte de la jurisprudence française qui a considéré que la  cession de créance à titre de garantie, intervenue en dehors des conditions prévues par la loi  du 2 janvier 1981, constitue un nantissement de créance25. Autrement dit, selon la  jurisprudence française, la cession de créance à titre de garantie de droit commun est  prohibée, celle-ci se transformant pour devenir un nantissement de créance. Ainsi, il est  impossible de céder une créance par bordereau Dailly à un cessionnaire autre qu’un  établissement de crédit ou une société financière assimilée. Il en est également de même en  

  

21 J.-F. ADELLE, « La cession Dailly est-elle réservée aux banques communautaires ? », Banque et droit n° 89,  mai-juin 2003. p. 3 s. 

22 O. FILLE-LAMBIE, « Aspects juridiques des financements de projets appliqués aux grands services publics  dans la zone OHADA », RDAI, n° 8, 2001. 

23 J. GATSI (sous dir.), L’effectivité du droit de l’OHADA, PUA, coll. Droit uniforme, Yaoundé, 2006, p. 128 et  s. 

24 Sur la comparaison entre le nantissement de créance et la cession Dailly, v. O. FILLE-LAMBIE et J.-L.  LAISNEY, « Le nantissement de créance, supplétif ou alternative à la cession Dailly ? », Banque et droit n° 132,  juill.-août 2010, p. 3. 

25 Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-16.395, RLDC 2007/35, n° 2402, obs. J.-J. ANSAULT. Cette décision a été  confirmée par un arrêt de la Cour de cassation en date du 26 mai 2010 : Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-13.388.



présence d’une cession Dailly intervenant dans le cadre d’un crédit fournisseur ou d’un crédit  interentreprises. Ainsi, le nantissement de créance apparaît comme une sûreté plus souple que  la cession de créance à titre de garantie, puisqu’il est applicable même en dehors des  conditions prévues pour celle-ci.  

22. Il s’ensuit que le nantissement de créance constitue la sûreté de droit commun en matière  de créance, étant applicable même lorsque les conditions posées dans la cession de créance à  titre de garantie ne sont pas remplies. Si donc les nouvelles sûretés sur créances du droit de  l’OHADA sont attractives par leur constitution, elles le sont également par leurs effets  énergiques.  

II/ Des sûretés sur créances aux effets énergiques 

23. Qu’il s’agisse de la cession de créance à titre de garantie ou du nantissement de créance,  les nouvelles sûretés sur créances de l’OHADA sont caractérisées par leur efficacité  renforcée. En effet, le droit exclusif, permettant au créancier d’être le seul titulaire de la  créance donnée en garantie, lui donnant donc la certitude d’être le seul à la recouvrer en cas  d’insolvabilité du débiteur, est présent tant dans la cession de créance à titre de garantie (A)  que dans le nantissement de créance (B).  

A/ Le droit exclusif dans la cession de créance à titre de garantie 

24. Afin de montrer l’efficacité dont est dotée la nouvelle cession de créance à titre de  garantie du droit de l’OHADA, nous envisagerons successivement ses effets dans les relations  entre les parties (1) et dans les relations avec les tiers (2).  

1/ L’efficacité de la cession de créance à titre de garantie dans les rapports entre les  parties 

25. La cession de créance à titre de garantie étant tout d’abord un contrat conclu entre le  cédant, lequel cède les créances qu’il détient à l’ encontre d’une tierce personne (le débiteur  cédé), et le cessionnaire qui, en contrepartie de cette cession, lui octroie un crédit, le  législateur a donc veillé à ce que le cédant, par sa qualité de titulaire apparent des créances  cédées, ne vienne pas remettre en cause l’efficacité de la cession de créance.  

C’est pourquoi, il a tenu à préciser à l’article 82 du nouvel AUS que la cession fait perdre au  cédant tout pouvoir sur les créances cédées. Plus précisément, le texte précité prévoit que la 

cession de créance prend immédiatement effet entre les parties et ce, quelle que soit la date de  naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la créance cédée. En d’autres termes, cette prise  d’effet immédiat n’est pas retardée par un événement postérieur à la date de la cession, qui  reporterait par exemple la date de naissance de la créance cédée. Plus concrètement, à  compter de la date de la cession, le cédant perd en principe tout pouvoir sur la créance cédée.  Ainsi, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 82 précité, il ne peut, sans l’accord du cessionnaire,  modifier l’étendue des droits attachés à la créance cédée. Il ne peut, par exemple, sans  l’autorisation du cessionnaire, faire une remise au débiteur cédé, ou proroger l’échéance de la  dette, ou encore se substituer au cessionnaire pour exercer des poursuites à l’encontre du  débiteur cédé, dès lors que la cession a été notifiée à ce dernier26.  

Toutefois, il convient de relever que le cédant conserve un pouvoir résiduel sur la créance  cédée. En effet, tant que la cession de créance n’est pas notifiée au débiteur cédé, il reste, à  l’égard de ce dernier, le titulaire apparent de la créance cédée. A ce titre, il peut en recevoir paiement de la part du débiteur cédé. Or, cela n’est pas sans danger pour l’efficacité de la  cession de créance à titre de garantie. Il a en effet été jugé que la banque réceptionnaire des  fonds, c'est-à-dire celle auprès de laquelle le cédant a ouvert un compte bancaire et qui a reçu  à ce titre les fonds, n’est pas tenue de les restituer au cessionnaire, si celle-ci s’était fait  rembourser sur lesdits fonds, en raison du fait que le compte du cédant était débiteur27.  

C’est pour éviter un telle déconvenue qu’il est prévu à l’article 84 du nouvel AUS que le  cessionnaire peut interdire au cédant de recevoir paiement de la créance cédée, en notifiant au  débiteur cédé la cession de créance à titre de garantie. Dès lors, si ce dernier règle la créance  cédée entre les mains du cédant, malgré la notification qu’il a reçue, il s’expose à régler la  même créance deux fois, en application de l’adage « qui paie mal paie deux fois ».  

Il en résulte que pour assurer l’efficacité de la cession de créance à titre de garantie, les droits  du cessionnaire sur la créance cédée sont préservés dès le stade des ses rapports avec son  cocontractant direct, c'est-à-dire le cédant. Ils le sont davantage dans les rapports avec les  

  

26 V. aussi, Cass. com, 8 janv. 1991, n° 89-13.711, Bull. civ. IV, n° 8. 

27 Cass. com., 4 juillet 1995, Bull. civ. IV, n° 203, p. 189; D. 1995. J. 488, note MARTIN et SYNVET ; Rev. dr.  bancaire et bourse n° 50, juill.-août 1995. 143, obs. F.- J. CREDOT et Y. GERARD ; JCP 1995, éd. E, II, 738,  note J. STOUFFLET ; JCP G 1995, II, 22553, LEGEAIS ; RTD civ. 1995. 934, obs. CROCQ ; J.-M.  CALENDINI, « Le cessionnaire, le cédant et le réceptionnaire : à propos de l’application de la loi Dailly par  l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 juillet 1995 », Rev. dr . bancaire. et bourse n° 58,  nov.-déc. 1996. 218 ; solution confirmée par la suite, v. par exemple, Cass. com., 19 déc. 2000, RJDA 3/01 n°  361, p. 323 ; Rev. dr. banc. et fin. n° 2, mars/avril 2001. 76, obs. F.-J. CREDOT et Y. GERARD.



tiers, puisque l’efficacité d’une sûreté s’apprécie surtout dans la possibilité d’évincer les tiers  concurrents à recouvrer la créance grevée. 

2/ L’efficacité de la cession de créance à titre de garantie à l’égard des tiers 

26. Etant un contrat translatif de propriété28, la cession de créance confère au cessionnaire un  droit exclusif sur la créance cédée. La raison réside dans le fait que le droit exclusif est un  caractère inhérent au droit de propriété. Dès lors, le cessionnaire ne devrait pas craindre  l’insolvabilité de son débiteur, y compris en cas d’ouverture d’une procédure collective contre  celui-ci29. En effet, la créance qui garantit le crédit du cessionnaire a quitté le patrimoine du  cédant pour intégrer celui du cessionnaire. Or, lorsque le débiteur devient insolvable, ses  créanciers ne peuvent en principe saisir que les biens lui appartenant. Le fait que la créance  grevée ait quitté le patrimoine du débiteur pour intégrer celui du cessionnaire permet donc à  ce dernier d’avoir un droit efficace, puisque sa sûreté porte sur un bien qui est le sien.  

Ainsi, le cessionnaire ne devrait pas craindre les recours des autres créanciers ayant acquis  postérieurement des droits sur la créance cédée, puisque celle-ci n’appartient plus au cédant. Il  en est de même en cas d’ouverture postérieure à la cession de créance d’une procédure  collective contre le cédant, dans la mesure où au moment de cette ouverture la créance en  cause est déjà sortie, du fait de la cession, du patrimoine du cédant. Ce faisant, l’efficacité de  la cession de créance devrait donc être assurée et ce, même en présence d’un contrat en  cours30 dont l’exécution devrait se poursuivre après l’ouverture de la procédure collective31.  

27. Il convient toutefois de relever que l’efficacité de la cession de créance peut être remise en  cause par le débiteur cédé en raison du caractère personnel de l’opération. En effet, ce dernier  peut opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant. Il peut ainsi lui opposer l’exception de nullité ayant affectée l’opération de base. Pour  couper court à cela et renforcer ainsi l’efficacité de la cession de créance, il est prévu à  

l’article 85 du nouvel AUS que le cessionnaire peut demander au débiteur cédé, si ce dernier    

28 Il convient de noter qu’il s’agit d’un transfert fiduciaire de propriété différent du transfert ordinaire de la  propriété comme par exemple dans une vente ordinaire d’une chose.  

29 P. BLOCH, « Vers un renforcement de la cession de créances à titre de garanite ? », in mél. en l’honneur de  Daniel TRICOT, Dalloz, 2011, p. 3 s.  

30 Cass. com., 7 déc. 2004, n° 02-20.732; JurisData n° 2004-026082 ; JCP E 2005, 236, note S. RABY ; D. aff.  2005, p. 230, Obs. Ch. LARROUMET ; RTD com. 2005, p. 155, obs. M. CABRILLAC. 

31 V. pour un exemple en droit français, T. Com. Paris, 19 oct. 2009, RG : 2009/031754, concernant un crédit  bancaire garanti par une cession de créance portant sur des loyers d’un immeuble dont le paiement s’étale après  l’ouverture de la procédure collective contre l’emprunteur propriétaire de l’immeuble en question.  

est un professionnel, à accepter la cession de créance en s’engageant à le payer directement.  Dans ce cas, le débiteur céder ne peut lui opposer les exceptions fondées sur ses rapports  personnels avec le cédant.  

28. Il convient enfin de faire observer que la cession de créance à titre de garantie est d’une  réalisation aisée. En effet, en cas d’insolvabilité du débiteur, il suffit pour le cessionnaire de  conserver à titre définitif la créance cédée à lui, pour laquelle il avait, si nécessaire, ouvert un  compte à son nom. Et si, à la suite de la réalisation de la sûreté, un surplus subsiste, celui-ci  est restitué au cédant.  

29. Il s’ensuit que la cession de créance à titre de garantie constitue une manifestation patente  de la nouvelle politique législative de l’OHADA consistant à offrir aux acteurs économiques  des sûretés caractérisées par leur efficacité et par leur réalisation aisée. Le nantissement de  créance s’inscrit également dans le même dynamisme. 

B/ Le droit exclusif dans le nantissement de créance 

30. Contrairement à la cession de créance à titre de garantie dont le caractère exclusif ne fait  aucun doute, il est discuté en doctrine que le nouveau nantissement de créance confère au  nanti un droit exclusif sur la créance donnée en nantissement. Il s’agit en fait d’une  controverse qui prend sa source en droit français et qui pourrait être renouvelée en droit de  l’OHADA. En effet, l’article 133 du nouvel AUS, qui serait l’équivalent en droit français de  l’article 236332 du Code civil, est rédigé de la façon suivante : « Après notification ou  intervention à l’acte du débiteur de la créance nantie, seul le créancier nanti reçoit  valablement paiement de cette créance tant en capital qu’en intérêts et autres accessoires,  même lorsque le paiement n’a pas été poursuivi par lui ». Il en résulte que la clé de voûte de  l’exclusivité se trouve dans la notification, puisque c’est l’accomplissement de celle-ci qui  produit le droit exclusif et ce, même si la demande en paiement de la créance nantie n’a pas  été effectuée par le créancier nanti.  

31. Mais les auteurs sont partagés sur le droit exclusif que confère cette notification au profit  du créancier nanti. En effet, si les uns estiment que le nantissement de créance, en raison de sa  nature de sûreté réelle traditionnelle attribuant un droit de préférence lequel ne se conçoit que  

  

32 En droit français, l’article 2363 du Code civil dispose : « Après notification, seul le créancier nanti reçoit  valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts. Chacun des  créanciers, les autres dûment appelés, peut en poursuivre l’exécution ».

dans une idée de classement entre plusieurs créanciers, ne peut jamais conférer un droit  exclusif33, les autres enseignent en revanche que le nouveau nantissement reconnaît au  créancier nanti un droit au paiement direct contre le sous-débiteur. En d’autres termes, pour  les premiers auteurs, dire que le créancier nanti serait le seul, après notification, à recevoir  paiement de la créance nantie, ne signifie pas que les autres créanciers du débiteur ne  pourraient pas un avoir un droit concurrent sur ladite créance. Plus précisément, selon ces  derniers auteurs, l’article 133 du nouvel AUS., n’étant que le pendant de l’article 132 alinéa 2  dudit acte uniforme, lequel détermine qui du constituant ou du créancier doit recevoir  paiement en l’absence de notification, ne ferait que régler les relations entre les parties au  contrat de nantissement, venant seulement exclure la possibilité pour le constituant de  recevoir le paiement ; c'est-à-dire que l’article 133 déciderait seulement, en cas de  notification, auprès de qui le débiteur doit régler la créance, sans déterminer substantiellement  les droits du créancier sur les sommes issues de ce paiement34

En revanche, pour les seconds auteurs, le texte précité institue un véritable droit exclusif  comparable à celui présent dans la cession de créance à titre de garantie. Pour justifier leur  position, certains de ces derniers auteurs soutiennent que l’article 133 précité crée au profit du  nanti un droit de rétention sur la créance nantie, lequel confère à ce dernier un pouvoir de  blocage comparable à celui présent dans le gage corporel avec dépossession35.  

  

33 Ph. THERY, obs. sous Cass. com., 19 déc. 2006, arrêt précité, Defrénois 28 février 2008, n° 4, p. 414 s. ; M.  MIGNOT, « L’indisponibilité de la créance nantie : une pièce manquante essentielle du dispositif législatif issu  de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 », Rev. dr. banc. et financ. janv.-févr. 2010, étude 2, p. 17 s.,  spéc. n° 36, qui écrit : « Nous ne partageons pas cette vision [qui considère que le nantissement de créance  confère un droit exclusif de premier rang]. L’article 2363, alinéa 1er, du Code civil n’a pas pour fonction de  régler un éventuel conflit entre les divers créanciers du débiteur de la créance garantie. Cette conception du  nantissement de créance ne cadre pas avec la dualité des modes de réalisation du gage » ; M. MIGNOT, Droit  des sûretés, 2eéd., Montchrestien, 2010, n°s. 1581.  

34 Ph. THERY, obs. préc. 

35 A. AYNES, Le droit de rétention, unité ou pluralité, préf. Ch. LARROUMET, Economica, 2005, n°S78, p. 62  s., spéc. n° 96, qui écrit : « En somme, et plus que les meubles incorporels dont la valeur procède de leur  exploitation, les biens immatériels de la seconde catégorie, les créances et instruments financiers, sont  parfaitement à même de faire l’objet d’un droit de rétention. En effet, pour ces biens le « pouvoir de blocage »  nécessaire à toute rétention résulte de ce que le débiteur est privé du pouvoir d’obtenir le paiement ou d’en  disposer. En pratique, qu’il s’agisse de la rétention des créances ou de celle des instruments financiers, le  mécanisme suppose l’entremise d’un tiers qui assurera le blocage des biens. Dans le premier cas, il s’agit du  débiteur retenu, dans le second, du teneur de compte. Pour autant, on ne se retrouve pas en présence d’une  détention par entiercement, comme cela se rencontre parfois pour les meubles corporels. Ici, c’est bien le  créancier qui dispose seul et directement du « pouvoir de blocage » et non un tiers qui l’exercerait pour lui.  C’est le créancier qui a le pouvoir d’autoriser le paiement de son débiteur et le déblocage de la créance ou des  titres. » ; A. AYNES, « La consécration légale des droits de rétention », D. 2006, p. 1301 s., spéc. n° 5, selon qui  « le nouvel article 2363 du code civil institue un véritable droit de rétention au profit du créancier bénéficiant  d’un nantissement de créance, en privant le constituant du droit de percevoir le paiement de la créance nantie »  ; v. également, l’arrêt de la Cass. com., 26 mai 2010, préc.; D. 2010, p. 1340, obs. A. LIENHARD ; de 



32. A notre avis, il serait préférable d’interpréter l’article 133 du nouvel AUS dans un sens  qui renforce l’efficacité du nantissement de créance, c'est-à-dire en considérant qu’il confère  au créancier un droit exclusif sur la créance nantie36. En effet, une telle interprétation présente  deux avantages. D’une part, elle permet de renforcer l’efficacité du nantissement de créance et  ce, même lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre du constituant, puisque  cette ouverture postérieure n’aurait pas pour effet de priver le nanti de son droit exclusif sur la  créance nantie37. D’autre part, cette interprétation évite que la cession de créance à titre de  garantie, dont le droit exclusif n’est pas contesté, ne porte ombrage au nouveau nantissement  de créance, au point de le faire tomber dans les oubliettes de la pratique38. Cette interprétation  permet donc au nantissement de créance de jouer son rôle de sûreté sur créance de droit  commun, tout en restant efficace et sans se faire concurrencer par sa cousine, la cession de  

créance à titre de garantie. On ose donc espérer que la CCJA – Cour Commune de Justice et    

nombreux auteurs ont analysé cet arrêt comme une consécration du droit rétention en matière de créance, v. les  obs. sous Cass. com., 26 mai 2010 : A. AYNES, RDC 2010, p. 1338 ; Ph. DUPICHOT, Dr. et patr., n° 195, sept.  2010, p. 96 ; du même dernier auteur, « Le nantissement, un an après », LPA 27 mars 2008, p. 27, n° 26 ; P.  CROCQ, D. 2011, p. 406, qui écrit : « Le 26 mai 2010, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu  un arrêt très important à propos d’une cession de créance de droit commun à titre de garantie. Ayant déjà  amplement commenté cet arrêt dans une autre revue, on ne peut ici qu’en résumer les apports essentiels, à  savoir : la réaffirmation de la requalification de la cession de créance de droit commun à titre de garantie en un  nantissement de créance ; la reconnaissance, au profit du bénéficiaire d’un nantissement de créance, constitué  et signifié avant la réforme du droit des sûretés, d’un droit exclusif à recevoir le paiement de la créance nantie,  alors que celui-ci n’a été expressément admis par la loi qu’à la suite de l’ordonnance du 23 mars 2006 ; et  l’admission de ce que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du constituant de la sûreté est sans  influence sur les droits des créanciers bénéficiant d’une situation d’exclusivité sur des créances nées d’un  contrat à exécution successive »; rappr., D. LEGEAIS, Droit des sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 11eéd.,  2017, n° 524, p. 379 : « Pour renforcer la portée du nantissement, il semble peut-être plus cohérent de conférer  au créancier nanti un droit de rétention, alors défini comme étant un pouvoir de blocage » ; D. LEGEAIS, « Le  nantissement de créances », Dr. et patr. Juill.-août 2007, n° 161, p. 54 s ; L. BOUGEROL-PRUD’HOMME,  Exclusivité et garanties de paiement, th. Paris II, 2010, version publiée, LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 538, 2012, n°  171. 

36 V. dans le même sens, L. AYNES, « Le nantissement de créance, entre gage et fiducie », Droit et patrimoine n° 162, sept. 2007, p. 68.  

37 V. en ce sens, M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC et P. PETEL, Droit des sûretés, Lexis Nexis,  10eéd., 2015, n° 80, p. 597 et 598, qui écrivent ceci : « La survenance d’une procédure collective à l’encontre  du débiteur de l’obligation garantie ne remettra pas en cause la vocation du créancier à percevoir le montant de  la créance nantie car ce créancier dispose d’un droit de rétention qui lui assure une exclusivité sur l’objet de sa  garantie. Certes, l’idée qu’un droit rétention puisse s’exercer sur un meuble incorporel a toujours été contestée.  A notre avis, elle doit être admise. En l’occurrence, la notification du nantissement a fait perdre au constituant  son pouvoir de fait sur la créance, ce qui équivaut à une remise de la chose engendrant un droit de rétention » ;  v. également, C. MALECKI, « Le bordereau Dailly à l’épreuve du droit des procédures collectives », in Mélanges Y. GUYON, Dalloz, 2003, p. 767 s.; v. également, l’arrêt du 26 mai 2010 précité.  

38 Cette possibilité n’est pas une hypothèse d’école, v. à titre d’exemple le cas de l’ancien nantissement de  créance en droit français. En effet, la loi du 2 janvier 1981 qui avait institué la cession de créances  professionnelles dites cession Dailly, avait également créé, à côté de cette dernière sûreté, le nantissement de  créance. Le bailleur de fonds avait donc le choix entre la cession Dailly et le nantissement de créance, pour  garantir son crédit. Mais, le nantissement de créance n’a pas connu de succès en pratique, en raison de la  concurrence que lui a portée la cession Dailly dotée d’un droit exclusif issu de la propriété de la créance conférée  au cessionnaire. V. également, Y. BACHELOT, « Un cas exemplaire : le dépérissement du nantissement de  marchés », Banque n° 412, déc. 1981, p. 1405 s. 

 

d’Arbitrage –, ainsi que les juridictions nationales, lorsqu’elles en auront l’occasion,  interpréteront l’article 133 du nouvel AUS dans un sens qui confère au créancier nanti un  droit exclusif sur la créance nantie. 

33. Il convient au demeurant de relever que le nouveau nantissement de créance, en sus de son  efficacité assurée par le droit exclusif qu’il confère, est, tout comme la cession de créance à  titre de garantie, une sûreté de réalisation aisée. En effet, deux hypothèses, prévues par  l’article 134 du nouvel AUS, peuvent se présenter au créancier nanti. Soit, la créance nantie  arrive à échéance avant la créance garantie. Dans ce cas, le créancier nanti conserve les fonds  issus du paiement de la créance nantie sur un compte ouvert auprès d’un établissement de  crédit habilité à les recevoir, à charge pour lui de les restituer au constituant si l’obligation  garantie est exécutée. Plus précisément, il en devient propriétaire fiduciaire des fonds en  attendant l’échéance de sa créance39. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie  et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, il est autorisé à affecter les fonds au  règlement de sa créance dans la limite des sommes impayées. La différence, s’il y a lieu, est  restituée au constituant.  

Soit, la créance garantie arrive à échéance avant la créance nantie. Dans ce cas, le créancier  nanti a une option : attendre l’échéance de la créance nantie, ou se faire attribuer, par la  juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention, la créance nantie,  ainsi que les droits qui s’y rattachent.  

34. En définitive, il est permis d’affirmer que les nouvelles sûretés sur créances du droit de  l’OHADA, à savoir la cession de créance à titre de garantie et le nantissement de créance,  sont des sûretés porteuses en elles de tous les ingrédients d’une sûreté susceptible de connaître  un succès important auprès des bailleurs de fonds. Cela s’explique par deux principales  raisons. D’une part, le législateur de l’OHADA a facilité, afin d’éviter d’alourdir le coût du  crédit, la constitution de la cession de créance à titre de garantie et du nantissement de créance  et ce, grâce à la rédaction d’un bordereau unique susceptible d’englober un bloc de créances,  y compris des créances futures. Toujours dans le même objectif, il a également élargi leur  champ d’application à tout type de créances (créances présentes ou futures, créances certaines  ou conditionnelles, créances contractuelles ou délictuelles, etc.), pour garantir toutes sortes   

39 V. en ce sens, L. AYNES, art. préc.

 

d’obligations et ce, afin de permettre aux acteurs économiques titulaires de créances à terme  de pouvoir donner en garantie les créances dont ils disposent ou dont ils sont susceptibles  d’être titulaires. En revanche, la soumission de l’opposabilité aux tiers de ces nouvelles  sûretés sur créances à l’accomplissement d’une formalité de publicité risque de ternir leur  attractivité. En effet, même si le nouvel acte uniforme prévoit l’informatisation du RCCM 

auprès duquel la publicité doit s’effectuer, celui-ci n’est pas encore opérationnel, parce qu’en  pratique rare sont les RCCM informatisés. Il convient toutefois de relever que cette formalité  est utile. Elle renforce en effet l’efficacité de ces nouvelles sûretés, puisque cette publicité  permet à tout intéressé de connaître l’état des créances dont la cession ou le nantissement sont  envisagés, et d’éviter ainsi tout conflit avec un précédent créancier qui aurait déjà acquis des  droits sur lesdites créances. D’autre part, la seconde raison qui milite en faveur de  l’attractivité de ces nouvelles sûretés sur créances du droit de l’OHADA est le fait que celles ci ressortent de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés avec une  efficacité renforcée. En effet, aussi bien la cession de créance à titre de garantie que le  nantissement de créance sont dotés d’un droit exclusif qui permet au créancier bénéficiaire de  la sûreté d’être le seul, en cas d’insolvabilité du débiteur, à pouvoir recouvrer la créance  donnée en garantie et ce, y compris lorsque ce dernier est affecté par une procédure collective.  La cession de créance confère ce droit exclusif par le transfert de propriété de la créance  qu’elle effectue au profit du cessionnaire. Quant au nantissement de créance, ce droit exclusif  est attaché à la notification qui en est faite au débiteur de la créance nantie. Mais, il serait  préférable que le législateur de l’OHADA, afin d’éviter tout amalgame comparable à celui  connu en droit français issu de l’interprétation donnée à l’article 2363 du Code civil, et qui  risquerait de sacrifier l’efficacité du nantissement de créance, se prononce clairement quant au  caractère exclusif que confère l’article 133 du nouvel AUS.  

Thierno DIALLO 

Docteur en droit 

Avocat chez LG AVOCATS